Docteur Adelaïde Hautval par Madeleine Kahn

jeudi 2 avril 2009

Je vais vous brosser succinctement le portrait d’une femme d’exception, le Docteur Adelaïde Hautval, matricule 31802, appelée l’ange blanc d’Auschwitz.
Elle est née au Hohwald, petite commune d’Alsace alors allemande, dans une famille protestante, son père était Pasteur de l’Eglise Réformée. Elle fait des études de médecine, s’oriente vers la psychiatrie qu’elle exercera dans plusieurs établissements.
Elle est évacuée en 1939 comme le reste de la population alsacienne en Dordogne. Partie voir sa mère gravement malade, elle franchit la ligne de démarcation à Vierzon où elle est témoin des mauvais traitements que les Allemands infligent à une famille juive. Parlant parfaitement l’allemand elle s’interpose :
- Laissez- les tranquilles
- Vous ne voyez donc pas que ce ne sont que des Juifs ;
- Et alors, les Juifs sont des gens comme les autres ;
Pour avoir ainsi défendu des Juifs, elle est arrêtée et connaît la prison de Bourges, le camp de Pithiviers, le camp de Beaune-la-Rolande où elle fêtera l’anniversaire de Danielle Casanova, enfin la prison d’Orléans et le fort de Romainville. Le 24 janvier 1943 elle est déportée à Auschwitz. Au camp principal d’Auschwitz se trouve le bloc 10 destiné aux expériences médicales. Contactée pour être l’assistante du Docteur Wirths, elle refuse de travailler avec le professeur Clauberg, qui expérimente des méthodes de stérilisation car, explique-t-elle, c’est contraire à ses convictions. Le Docteur Wirths lui dit :
- Ne voyez-vous pas que ces gens(les Juifs) sont différents de vous ?
- Dans ce camp, répond-elle, bien des gens sont différents de moi, par exemple ,vous.
Elle est sur la liste pour les chambres à gaz ; elle est sauvée par une codétenue. Allemande. Affectée au Revier, le Commandant SS du camp lui reproche de ménager les déportées. Elle lui assène :
- Monsieur le Commandant, vous pouvez faire de moi ce que vous voulez, mais une chose est certaine et vous le savez, de nous deux le vainqueur ce n’est pas vous. Avec l’approche des Russes, c’est l’évacuation sur Ravensbrück en Août 1944 où Haïdi soigne les déportées qui ont survécu. Sur les injonctions de d’Astier de la Vigerie, elle est ramenée au Bourget en 1945.
Citée comme témoin aux procès des médecins, notamment celui du Docteur Clauberg, elle se révolte face à la mansuétude des autorités médicales et judiciaires allemandes. Elle continuera à exercer la médecine dans le Val d’Oise. C’est là, que je l’ai connue. Elle était le médecin scolaire de ma fille. Elle s’est suicidée en 1988 et comment ne pas imputer aux verdicts des procès la responsabilité de cette fin de vie ? Mais aussi longtemps qu’elle a vécu, elle n’a jamais su que j’avais été également déportée et je n’ai jamais connu son histoire. Y-a-t-il une éloquence du silence comme le prétendait Pascal ?
Elle a laissé un livre "Médecine et crimes contre l’humanité" ; dans la préface Anise Postel-Vinay lui rend cet hommage : " Le Docteur Hautval, Haïdi pour les camarades,…incarna l’intransigeance et l’honneur de l’homme dans ce monde de désespérance. Qu’elles fussent grecques, allemandes, autrichiennes, françaises, belges, hollandaises, tchèques, polonaises, yougoslaves ou soviétiques, toutes ont gardé pour elle le respect et l’admiration que l’on voue aux héros.
Extrait du Cahier d’Ares N°5