Alain Vincenot ; Je veux revoir Maman ,...

jeudi 30 juin 2016

Alain Vincenot ; Je veux revoir Maman , Paris, Editions des Syrtes, 2005, 273 pages, préface de Simone Veil, cahier photos, chronologie, bibliographie.

Sur les 72 000 enfants juifs qui vivaient en France au début de la guerre, 10 147 ont été déportés, les derniers partant au milieu de l’été 44. Après un internement dans des conditions sordides, beaucoup partirent séparés de leur mère déjà gazée quelquefois plus d’un an auparavant. Mais plus de 60 000 ont survécu, échappant à la déportation, mais séparés de leurs parents qui dans de nombreux cas ne sont pas revenus. Dans cet ouvrage très émouvant, Alain Vincenot narre les destins de Sarah, Nelly, Liliane, Jeannette, Ida et Marcel, Julien, Salomon, David et Estéra, de dix-neuf fillettes et garçonnets à l’enfance fracassée, confrontés à l’antisémitisme, la France, terre d’espoir pour leurs parents devenant en quelques mois terre de malheur et de détresse. La France des droits de l’homme devenait celle de la persécution et de la complicité dans le crime. Des enfants souvent tout petits, contraints de grandir trop vite, privés de leur enfance telle qu’elle aurait dû être. Difficile après le traumatisme, de faire le deuil, d’accepter que les parents ne reviendront pas…Comment ne pas être bouleversé par le récit de celui qui explique avoir oublié le visage de ses parents ? Difficile aussi de retisser un lien avec les parents qui rentrent des camps. Chacun devant réapprendre à vivre.
Leur préservation avait été rendue possible grâce à de multiples réseaux d’entraide et de sauvetage : des organisations juives comme l’OSE, l’ORT, qui ouvrirent des maisons d’enfants, les éclaireurs israélites, mais aussi des particuliers, des pensionnats, des institutions religieuses. Ils doivent vivre cachés, parfois avec une autre identité, cacher l’étoile, faire attention aux autres, prendre soin des plus petits, supporter de mauvais traitements. Ballottés d’un endroit à l’autre, mais aussi aimés par certains de ceux qui avaient pris des risques pour le cacher. Devenus adultes, puis parents à leur tour, ceux qui se sont tus pendant des décennies éprouvent aujourd’hui le besoin de parler, de mettre des mots sur leur souffrance.

Christine Guimonnet