Serge Klarsfeld ; Adieu les enfants, Mille et...

jeudi 30 juin 2016

Serge Klarsfeld ; Adieu les enfants, Mille et nuits (collection « document »), Paris, 2005, 159 pages, chronologie, bilan, 10 €

Dans la masse statistique de la Shoah, on a pendant très longtemps « oublié » que derrière les chiffres se cachaient des gens, et que parmi les victimes, les enfants de tous âges avaient été très nombreux. Plus 11 000 enfants de zéro à 18 ans furent déportés de France et seuls quelques adolescents en revinrent. Heureusement, certains enfants juifs ont pu être sauvés grâce au courage de particuliers ou d’institutions qui ont pris soin de les cacher, leur permettant ainsi d’échapper aux persécutions. Dans le Mémorial des enfants juifs déportés de France, Serge Klarsfeld donne les listes des convois, mais il redonne aussi une nouvelle existence à celles et ceux, devenus poussière et dont on avait voulu ne plus entendre parler : les photos de ces petits garçons et petites filles, adolescents, et de ces bébés de quelques mois, parfois déportés quelques jours après leur naissance en disent davantage que toutes les statistiques sur l’ampleur du désastre. Les photos montrent d’une manière définitive qu’avant la destruction furent les vies, des vies brisées d’enfants innocents, uniquement parce qu’ils étaient nés juifs. Serge Klarsfeld restitue dans ce petit livre très émouvant les derniers instant avant la déportation écrits par les futurs déportés eux-mêmes, enfants, adolescents, parents souvent séparés de leurs enfants. Petits papiers jetés sur la voie ferrée, lettres, appels désespérés envoyés en pure perte, récits de l’internement au Vel d’Hiv, dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, Drancy, internement dans des conditions abjectes elles-mêmes témoignages de la façon dont on les considérait : moins bien que des animaux. Que dire de tous ces petits, certains incapables de donner leur patronyme, déportés seuls, arrachés quelquefois deux ans auparavant des bras de leur mère ? Ce livre pour se souvenir de Sarah, « la petite Sarah » comme je l’avais surnommée, alors que collégienne, j’avais lu son récit de l’évasion du Vel d’Hiv, espérant alors qu’elle avait pu échapper à ce destin prévu pour elle, Rachel, Paulette, Georges, Jacques, Suzanne, Jeannette, Marie, Colette, Henri, Léo…et tous les autres. Pour ne jamais oublier. Pour que la France puisse demeurer le pays de l’espoir pour avoir été celui de la honte.

Christine Guimonnet