A propos du consul Vladimir Vochoč

lundi 22 mai 2023
par  Renée Dray-Bensousan


Questions à Michal Fleischmann, ambassadeur à Paris de la
République Tchèque.

A Prague et Marseille, la mémoire de Vladimir Vochoč fut longtemps occultée. Pour votre part comment avez-vous été informé de son existence ?
Personnellement, j´en ai entendu parler il y a longtemps : mon père me racontait ses rencontres avec les artistes français, avec Max Ernst que Vladimír Vochoč et Varian Fry ont aidé à quitter la France. En 2016 le titre lui fut attribué de « Juste parmi les Nations ». Son extraordinaire courage m´a été rappelé par le livre de Lenka Horňáková Civade, La symphonie du nouveau monde et l´action de Monsieur Robin, consul honoraire de la Tchéquie à

Marseille.
Vochoč n’a pas la notoriété de Varian Fry ou bien d’Aristides de Souda Mendez, consul du Portugal à Bordeaux. Quel est votre souhait à propos d’une plaque commémorative portant son nom qui serait érigée à Marseille ?
Peu importent les notoriétés, l´important c’est ce que Vochoč a fait en
utilisant les passeports et les cachets de la Tchécoslovaquie pour aider
des français, tchèques et juifs à fuir la terreur nazie et le régime de Vichy. La décision de l’installation de la plaque commémorative revient pleinement à la Ville de Marseille, son emplacement est parfaitement en accord avec l´importance de Vladimír Vochoč.
Comment défniriez-vous son rôle ? En quoi est-il exemplaire pour les temps d’aujourd’hui  ?
Le courage, l´abnégation sont des éléments qui ne peuvent venir que d’un vrai fond d´humanité et d’une connaissance de son époque.
S´opposer à la tyrannie est toujours signe de dignité. Vochoč reconnaissait pleinement son supérieur hiérarchique, l´ambassadeur de la Tchécoslovaquie en poste à Paris, Stefan Osuský qui avait refusé aux
armées hitlériennes d’abandonner son ambassade, avant d´être obligé de quitter son poste pour rejoindre le gouvernement Tchécoslovaque en exil à Londres, gouvernement reconnu par les Alliés. Vochoč agissait au nom d’un pays occupé - qui avait cessé d´exister - mais qui avait un gouvernement légal en exil, le seul gouvernement élu démocratiquement. Aujourd´hui, en Ukraine, c´est un gouvernement élu par les urnes qui défend l´intégrité de son pays contre un
envahisseur qui veut imposer sa loi par la force, la tyrannie, le meurtre.
Les héros sont ceux qui se défendent et se reconnaissent dans ceux qu´ils ont librement élus. Vochoč est l´un de ceux-là, hier comme aujourd´hui. Il est du côté des Jean Moulin, des De Gaulle, des résistants.
Retrouver Vladimír Vochoč aujourd´hui, après qu´il ait été condamnépar la Tchécoslovaquie communiste pour 13 ans de prison (heureusement relâché au bout de 7 ans), est signe d´espoir : celui de la
force des valeurs d´humanisme, de la démocratie qui fnissent toujours par gagner contre les faiseurs de guerre


Vladimir Vochoč, retour à Marseille d’un consul oublié
Les passeports du consul tchèque autrefois domicilié 57 rue de la République ont sauvé des brigadistes de la Guerre d’Espagne et de nombreux réfugiés des années 1940 . Sur les hauteurs de Vauban, on vient d’inaugurer une bibliothèque Vochoč. En janvier 2024, son nom et ses actions seront honorés en proximité avec Varian Fry.
Une poignée de personnes, historiens ou bien militants de la mémoire viennent d’accomplir quelque chose d’improbable, une sorte de résurrection. Avant que lui soit attribué en 2016 le titre de « Juste parmi les nations » le nom de Vladimir Vochoč était irrémédiablement effacé ; au mieux, son nom fgurait dans de brèves incises de l’autobiographie de Varian Fry.
Vladimir Vochoč fut un consul remarquablement actif à Marseille, entre mai 1938 et mars 1941. Il s’occupait de trouver logements et secours aux Brigadistes tchèques rescapés de la guerre d’Espagne. Après Munich, malgré l’envahissement de son pays par les armées nazies, il avait maintenu la fction de sa république, vivante puisqu’il continuait d’assumer ses fonctions. Devant sa porte, les fles d’attente étaient longues, il distribuait aux réfugiés de toutes nationalités des passeports de couleur rose. L’impression de ses documents était fnancée par Fry, proche ami dés l’été de 1940 : on estime à plus de 2.500 le chiffre des bénéfciaires de ses faux papiers.
Plusieurs épisodes de son action clandestine fgurent dans « La symphonie du nouveau monde », récit de Lenka Hornakova-Civade édité chez Alma en 2019.
Samedi après-midi, 4 rue d’Angkor, sur les hauteurs de Vauban, dans les locaux du consulat, en présence de l’ambassadeur de la République Tchèque à Paris, une émouvante cérémonie inaugurait une bibliothèque à la fois modeste et précieuse qui porte le nom de Vladimir Vochoč : on y trouve par exemple des livres d’Holan et du Prix Nobel Seifert offerts par les proches d’un amoureux de Prague, le poète et traducteur marseillais Henri Deluy (1931-2021).
Après la Libération, Vladimir Vochoč fut réduit au silence.
Pendant la guerre froide, la bureaucratie de son pays engagea contre lui un procès politique sans fondement qui lui valut 7 ans de prison.
Amnistié et réhabilité, Vochoč mourut à Prague à l’âge de 91 ans. Ce lundi une rencontre entre l’ambassadeur Michal Fleischmann et Lisette Narducci, adjointe chargée du patrimoine, fnalise un projet élaboré depuis plusieurs mois : fn janvier 2024, près de la Préfecture et du Consulat des Etats-Unis, à côté de la stèle qui se souvient de Varian Fry, on découvrira une plaque commémorative dédiée à Vladimir Vochoč.
Alain Paire