RENEE LEVY par Marie Jo-Bonnet

vendredi 12 novembre 2021

Petite fille d’Alfred Lévy, Grand Rabbin de France de 1907 à 1919, Renée Léa Lévy est née à Auxerre, le 25 septembre 1906, dans une famille d’universitaires. Son père, Léon Lévy, décédé quatre ans après sa naissance, avait participé à la création des premières Amicales des professeurs de l’enseignement secondaire. Sa mère, Berthe Lévy, fait partie d’une des premières promotions de l’École normale supérieure de Sèvres. Quelques années après la naissance de sa fille, elle est nommée en 1912 professeur de Lettres au lycée Victor-Hugo à Paris.
C’est dans ce même établissement que Renée Lévy passe son baccalauréat avant de poursuivre ses études en Sorbonne. Reçue à l’agrégation de Lettres classiques en 1932, elle est d’abord nommée au lycée de jeunes filles de Lille en 1936. Elle est ensuite mutée à Paris, au lycée Victor-Duruy puis au lycée Victor-Hugo où elle avait été élève.
Jacqueline Leitman raconte que c’est à Lille qu’elle « retrouve une amie d’enfance avec laquelle elle s’intéresse passionnément au mouvement féministe, faisant des conférences et écrivant dans le Journal du mouvement. En 1939, elle est en vacances à Cayeux-sur-Mer [où elle rencontre Annie Kriegel, future historienne]. À la déclaration de la guerre un lycée est créé dans les locaux du Casino. Elle devint tout naturellement professeur de Lettres. L’exode la conduit avec sa famille en Bretagne, puis, c’est le retour à Paris. Elle habitait rue de Normandie un petit appartement à l’ameublement moderne et confortable. »

À la promulgation du premier statut des Juifs, en octobre 1940 leur interdisant d’exercer dans la fonction publique, Renée est contrainte de quitter le poste de professeur de grec et de latin qu’elle occupe au lycée Victor-Hugo.
Des amis lui proposent alors de se réfugier dans un village des Alpes. Elle refuse, reste à Paris et rejoint le réseau de résistance dit du Musée de l’Homme en janvier ou février 1941. Elle diffuse tracts et journaux, notamment le discours de Churchill du 21 octobre 1940 : « Rassemblez vos forces pour l’aube, car l’aube viendra », et le journal clandestin Résistance.
Après le démantèlement du réseau, elle rejoint le réseau Hector, et le groupe « Jeanne Sivadon » de l’école des intendantes d’usines de la rue Princesse. À l’aide d’un poste émetteur de radio dissimulé chez elle, Renée envoie à Londres des informations sur le matériel et les mouvements des troupes allemandes.
Trahie par l’agent double Albert, elle est arrêtée à Paris par la Gestapo le 10 décembre 1941, puis internée à la prison de la Santé et transférée le 11 janvier 1942 à Coblence pour être jugée par un tribunal militaire allemand avec ses camarades arrêtés dans la même affaire. Dans l’acte d’accusation (conservé aux Archives nationales), le procureur déclare que « l’accusée Levy fournit au co-accusé Eyrau des informations militaires importantes qui étaient destinées au service de renseignements anglais. Elle reçut pour cette activité, qu’elle accomplissait comme juive par haine contre l’Allemagne, au moins 500 francs. Plus tard elle participe à la création d’un émetteur (...) ».

D’après des témoignages de ses codétenues Marie-Louise Chatel et Rose Santini, elle aurait déclaré à ses bourreaux avant de mourir : « Je suis Française et j’ai bien fait de servir mon pays. Je regrette seulement de n’avoir pas pu en faire davantage ».
La mère et la sœur de Renée Lévy, Madame Grun, avocate , ont également été arrêtées et déportées en 1943. Seule sa mère a survécu.
Après la guerre, la dépouille de Renée Lévy est ramenée en France pour être inhumée au Mont Valérien à Suresnes, dans le Mémorial de la France combattante au cours d’une imposante cérémonie qui se déroula le 11 novembre 1945. En compagnie des dépouilles de quinze autres résistants choisis pour symboliser la Résistance et la Déportation, son corps, posé sur un affût de canon et tiré par des chevaux blancs passa sous l’Arc de Triomphe et rejoignit celui Berthie Albrecht pour reposer avec ses camarades dans la crypte du Mémorial de la France combattante.
Renée Lévy sera honorée plusieurs fois à titre posthume : elle est citée à l’ordre de la nation en 1946, puis décorée de la Croix de guerre avec palmes et de la Médaille de la Résistance. Le 11 août 1947, la mention « Mort pour la France » est portée sur son acte de décès. En 1955, elle est nommée Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. Une plaque apposée à son domicile parisien, 6 rue de Normandie, rappelle sa mémoire aux passants. Une autre est posée également dans le hall d’entrée du lycée Victor-Hugo rendant hommage au « remarquable exemple de fermeté d’âme et d’héroïsme ».

article de Marie Jo Bonnet paru dans FIGAROVOX/TRIBUNE -le 11 novembre 2021 sous le titre "Hommage à Renée Lévy, résistante française de la première heure"

Marie-Jo Bonnet est historienne, militante féministe et co-fondatrice des « Gouines Rouges ». Elle a également participé au Mouvement de Libération des Femmes dès 1971. Auteur de plusieurs ouvrages, elle a publié « La Maternité symbolique » (Albin Michel, 2020).