On se retrouvera. L’amour au-delà de l’enfer

mardi 31 mars 2009

Auteur : Madeleine Goldstein (avec Serge Filippini)
Titre : On se retrouvera. L’amour au-delà de l’enfer (préface de Jean-Pierre Guéno), Paris, éditions de l’Archipel/France Inter, 228 pages, cahier photos, 18.50 €

Le titre résume à lui seul le destin de Madeleine et Jacques Goldstein, déportés dans le convoi 72 du 29 avril 1977, séparés sur la rampe juive avant d’entrer à Birkenau…chacun persuadé de la mort de l’autre…trimbalés de camp en camp au gré des évacuations et des marches de la mort…et, méconnaissables, remis en présence l’un de l’autre dans le hall de l’hôtel Lutétia. Ils avaient connu l’enfer des camps, ils s’étaient retrouvés. Un témoignage sincère et émouvant pour montrer que l’amour fut plus fort que la mort prévue pour eux.
Madeleine Goldstein (née Elefant) et son époux Jacques (décédé le 28 juin2005) sont issus de familles juive d’origine polonaise. Elle est née à Paris en 1921. Lui, né à Varsovie en 1920 est arrivé bébé à Paris. La France était leur seule patrie, loin du pays des parents, assimilé au souvenir des pogroms. Comme tant d’autres, leurs parents croyaient à l’adage Lebn vi Got in Frankraykh (Vivre comme Dieu en France). Deux titis parisiens qui ont grandi dans les quartiers populaires de Montmartre, se sont rencontré enfants et se sont mariés en 1939, quelques semaines après le début de la guerre. Madeleine en garde encore aujourd’hui une savoureuse gouaille. Enceinte, elle met au monde Rosette en 1940. Le couple part pour la région lyonnaise l’année suivante et entre dans la Résistance, dans le réseau Périclès, cachant leur petite fille chez des nourrices. Au printemps 1944, tous deux sont arrêtés et emprisonnés trois mois durant à Fresnes. La famille de Madeleine n’avait pas été épargnée : elle avait déjà perdu un frère d’une ostéomyélite. Sa mère était décédée en 1941 et son père avait été interné à Pithiviers déporté en 1942. Ses sœurs Céline et Reizl étaient à Lyon. Ceux de Jacques étaient restés cachés à Paris.
Le 29 avril, après un très bref passage de trois jours à Drancy, tous deux montent dans le train de la mort : des 1004 Juifs embarqués, seuls 37 rentreront. Jacques est envoyé à Monowitz, Madeleine reste à Birkenau : les voilà numéros 186608 et 80597. Parlant pour elle et racontant ensuite le destin de Jacques, Madeleine narre simplement et crûment des moments clé de la vie du camp où rage de survivre, ruse, chance, solidarité et débrouille permettent de tenir : d’abord la quarantaine, d’où elle voit arriver et passer les transports de Juifs hongrois, exterminés au cours de l’été, puis le camp proprement dit.
Elle est transférée à Ravensbrück, dans un camp surpeuplé ravagé par les maladies. Jacques quitte la Buna pour une interminable marche à travers l’Allemagne. Epuisés, presque squelettiques, ils sont rapatriés en France.
Après le retour, vient le moment de la reconstruction : retrouver Rosette, travailler, accueillir une seconde fille Sylvie, mais aussi faire face aux désillusions y compris familiales. Cependant, la vie ne les épargne pas : en 1957, Rosette décède d’un accident de ski.
Depuis une dizaine d’années, Jacques et Madeleine témoignaient ensemble dans les collègues et lycées. L’an dernier, on les avait découverts dans le film de Patrick Rotman, Les survivants. Mais à présent, fidèle à la promesse faite à ceux qui ne sot pas rentrés et en mémoire de Jacques, en attendant de le retrouver pour la seconde fois, Madeleine poursuivra ses témoignages…seule. Nous comptons sur elle.
Christine Guimonnet