Sous la schlague - Fresnes- Sarrebruck - Ravensbrück - Schönefeld (1943 - 1945)

mercredi 23 décembre 2020


Sous la schlague - Fresnes- Sarrebruck - Ravensbrück - Schönefeld (1943 - 1945)
Henriette Lasnet de Lanty- collection Résistance Liberté-Mémoire, éditions du Félin, avril 2018, 240 pages, 22E. Il s’agit d’une réédition : parution à compte d’auteur en 1965, préfacée par Geneviève de Gaulle.
L’auteur, femme au foyer en 1943, participe activement à le Résistance dans le réseau Delbo, en servant de boîte aux lettres, jusqu’au jour où son réseau tombe. Henriette Lasnet de Lanty a 47 ans en 1943. Simple femme au foyer, elle s’occupe de ses cinq enfants dans le XVIe arrondissement de Paris, rue de la Pompe. Personne ne se doute que sous son apparente tranquillité elle participe activement à la Résistance. Servant de boîte aux lettres, elle récupère des informations et, sous son insoupçonnable camouflage de parfaite ménagère, distribue les consignes et ordres de mission aux agents parisiens en allant faire ses courses.

Arrêtée sur dénonciation , longuement interrogée, internée à Fresnes, elle arrive à Ravensbrück, prototype du camp de travail, camp de concentration surpeuplé. Sélectionnée, elle sera affectée au service de l’industrie de guerre dans le camp dépendant de Schönefeld. Sous les coups de schlague de ses gardiennes, elle trouve encore la force de saboter les pièces qu’on lui demande de fabriquer. Elle résiste toujours, à sa manière, aux humiliations, à l’angoisse de ne pas revoir ses enfants, son mari déporté comme elle, à l’horreur permanente de la mort de ses camarades.
Ce récit, écrit à la suite de notes prises sur place, quelque peu brut, montre la volonté de traduire des émotions. Il rapporte la survie au jour le jour, les conditions d’existence où tout est occasion de sanctions.
Puis c’est l’évacuation du camp comme rarement décrite si longuement. Il s’agit de garder la trace de la folie nazie. C’est dans l’amitié et la solidarité, moyens de défense contre l’effondrement psychique, qu’elle puise ses sources d’énergie. Et bien plus que de la solidarité.
C’était indispensable pour supporter cette horreur, ces humiliations, cet enfer qu’elle décrit avec force détails cette angoisse perpétuelle contribuant à l’affaiblissement psychique et moral.
Alors...Résister, elle témoigne de cette entraide qui lui a sauvé la vie. Echanges de recettes de cuisine, « conférences », tous ces moments de partage qui ont en commun de pouvoir survivre, de quitter un instant ce monde de la réalité, qui permet de continuer à vivre. Dans le système de « l’organisation », on risque sa vie : vol de papier de bout de tissu. EIIe y dérobe de quoi dessiner et ainsi témoigner sur le vif, de la réalité quotidienne de ce camp. La violente sincérité de ses écrits témoigne de la violence qui s’y déchaîne. France Audoul ou Aat Breur-Hibma réalisèrent clandestinement des dessins sur la situation intenable de la vie du camp.
Et une fois le camp libéré, c’est encore un « chemin de croix » qu’elle suit pour arriver en France. Elle fait le choix de le parcourir la plupart du temps seule. Ce n’est pas facile dans ce pays ravagé par la guerre. Les prisonniers français évadés la méprisent, les américains qu’elle rencontre ne veulent pas s’embarrasser de civils. C’est aussi ce vécu quotidien qu’elle nous fait partager.
Pour ne pas laisser mourir cette mémoire, mission permanente du combat contre l’oubli, Henriette Lasnet de Lanty fait le choix de témoigne/ dans un souci de retranscrire la vérité. Cette vérité qu’elle a promis à ses camarades mourantes de faire connaître. « Dormez en paix, mes sœurs…, Et nous, les survivantes, pardonnons, mais n’oublions jamais. »


Compte rendu par Marie-Antoinette Pastor.