Voyage à Izieu

dimanche 12 mars 2017
par  Renée Dray-Bensousan


Voyage à Izieu avec une classe en mars 2017

I Quelques mots sur Sabine Zlatin directrice de la Colonie D’Izieu et sur la rafle des enfants


Sabine Chwast est la dernière de douze enfants. Le père est architecte. Il n’aime pas le prénom donné à sa fille, et décide de l’appeler Yanka, un nom qu’elle gardera par la suite. Ne supportant plus un milieu familial étouffant et l’antisémitisme des Polonais, elle décide au milieu des années 1920 de quitter son pays natal. Au gré des rencontres, elle gagne successivement Dantzig, Koenigsberg, Berlin, Bruxelles pour finalement arriver en France à Nancy, où elle entreprend des études en histoire de l’Art.


Elle fait la connaissance d’un jeune étudiant juif de Russie, Miron Zlatin qui prépare un diplôme d’études supérieures agronomiques à l’université de Nancy. Ils se marient officiellement à Varsovie en octobre 1928. . En 1929, Miron et Sabine acquièrent une ferme avicole actuellement rue Miron Zlatin à Landas dans le Nord. Après quelques difficultés, l’exploitation se révèle un succès. Ils sont naturalisés le 26 juillet 1939. La guerre va bouleverser leur vie.
En septembre 1939, la guerre éclate et Sabine décide de suivre des cours de formation d’infirmière militaire à la Croix-Rouge à Lille. Elle s’engage dès octobre 1940 et obtient sa carte officielle d’infirmière de la Croix-Rouge. Elle exerce à Lille jusqu’au début mai 1940. Devant l’avance des armées le couple quitte la région pour Paris puis Montpellier où Miron trouve une petite ferme et où à partir de fin juillet Sabine est embauchée à l’hôpital militaire de Lauwe. Mais les lois antisémites de Vichy la chasse de son poste à l’hôpital et de la Croix-Rouge en février 1941. Elle cherche alors a apporter une aide aux internées et contacte la préfecture de l’Hérault qui la dirige sur l’OSE . Assistante sociale de l’Ose elle se rend dans les camps d’Agde puis de Rivesaltes vêtue de son uniforme de la Croix-Rouge. Elle réussit à sortir des enfants pour les remettre à L’OSE.
II Les enfants et les tentatives pour les sauver
En 1942 Sabine prend la direction d’une maison d’enfants juifs à Palavas-Les-Flots.
Le 8 septembre 1943, l’Italie capitule et l’armée allemande occupe aussitôt les départements de l’ancienne zone italienne. Dès lors, les persécutions antisémites s’y intensifient. Dans les premiers mois de 1944, plusieurs faits achèvent de convaincre Sabine Zlatin de la nécessité de disperser les enfants de la colonie.
Le 8 février 1944, la Gestapo rafle les locaux et arrête le personnel du siège de la 3e direction de l’UGIF à Chambéry, dont dépend la colonie d’Izieu.
Une assistante sociale de l’OSE, Margot Cohen, se rend à Izieu et pousse à la dispersion des enfants.
Le 23 février 1944, le Service social d’aide aux émigrants de Lyon, rédige un rapport après une visite de la colonie organisée à la demande de Sabine Zlatin qui « cherche à céder cette maison » et disperser les enfants.
Le 6 mars 1944, Pierre-Marcel Wiltzer est muté à la sous-préfecture de Châtellerault. La colonie perd un allié dans l’administration.
Sabine Zlatin est à Izieu en mars 1944. Elle repart fin mars-début avril à Montpellier, où elle active ses relations pour tenter de trouver un refuge plus sûr pour les enfants et disperser la colonie. C’est là qu’elle apprend la nouvelle de la rafle, par un télégramme que lui adresse Marie-Antoinette Cojean, secrétaire de la sous-préfecture de Belley : « Famille malade - maladie contagieuse. »

III la rafle


Le jeudi 6 avril 1944 est le premier jour des vacances de Pâques, qui, cette année, sont exceptionnellement courtes, la rentrée étant prévue le mardi 10. La veille, l’institutrice, Gabrielle Perrier (Tardy, de son nom d’épouse) est retournée pour quelques jours dans sa famille après avoir préparé les leçons de la rentrée.
Le matin, les adolescents scolarisés à Belley sont rentrés à Izieu, accompagnés de Léon Reifman, venu passer les fêtes pascales avec sa soeur, éducatrice à la colonie et ses parents. Fritz Loebman, qui travaille à la ferme de Lucien Bourdon à Brens, est également de retour à la colonie.
Alors que les enfants se préparent à prendre leur petit déjeuner, un détachement de la Wehrmacht dans deux camions, réquisitionnés à Belley, et une voiture de la Gestapo de Lyon font irruption devant la maison – sur ordre de Klaus Barbie. Ils arrêtent brutalement les quarante-cinq enfants présents et les sept adultes qui s’occupent d’eux. Seul Léon Reifman parvient à s’enfuir en sautant d’une fenêtre. Les fermiers voisins, les Perticoz, l’aident ensuite à se cacher.
Eusèbe Perticoz est chez lui et ne peut sortir, empêché par les soldats allemands. Son ouvrier, Julien Favet, assiste impuissant à l’arrestation. Les enfants et les adultes sont jetés dans les camions.
Le convoi quitte le hameau de Lélinaz. Les habitants du village entendent les enfants chanter « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ».
Le camion s’arrête pour se ravitailler devant la confiserie Bilbor à Brégnier-Cordon. Les soldats allemands laissent descendre le petit René-Michel Wucher, âgé de 8 ans, reconnu par une parente ; le seul enfant du « pays », et qui n’est pas juif.
Le soir du 6 avril 1944, à 20h10, Klaus Barbie signe et envoie un télex à Paris, adressé au responsable de la police de sûreté et des services de sécurité en France, à l’attention du service des affaires juives de la Gestapo.
Il y annonce la rafle de la colonie d’Izieu, dénombre les personnes arrêtées et mentionne leur transport à Drancy le 7 avril 1944.
On a souvent parlé d’une dénonciation de la colonie d’Izieu.
Des soupçons ont pesé lourdement sur un paysan, réfugié lorrain, Lucien Bourdon, présent le jour de la rafle au côté des Allemands. Inculpé de trahison et d’intelligence avec l’ennemi, Lucien Bourdon a été jugé à Lyon le 13 juin 1947. L’accusation de dénonciation n’a pas été retenue, aucune preuve, aucun aveu, aucun témoignage n’ayant permis de la légitimer. La Cour le juge uniquement « coupable d’indignité nationale ». Il est condamné à « la dégradation nationale à vie » et immédiatement remis en liberté.


La présence des enfants juifs à Izieu n’était ni secrète, ni clandestine.
En l’état actuel des recherches historiques, il est impossible de savoir à partir de quelle information la Gestapo de Lyon a été en mesure d’ordonner et d’organiser l’arrestation de la colonie d’Izieu. Les pistes sont multiples : les courriers échangés entre les enfants et leurs familles, les traces administratives de l’installation et de la gestion quotidienne de la colonie, la scolarisation des plus grands à Belley, les informations récoltées par la Gestapo lors de la rafle des locaux de l’UGIF à Chambéry, ...


Les raflés sont embarqués dans des camions vers la prison Montluc1 à Lyon avant d’être expédiés au camp de Drancy puis vers les camps de la mort en plusieurs convois partis de la gare de Bobigny (Convois nº 71, 75 et 76 respectivement du 13 avril, 30 mai et 30 juin 1944)2. Quarante-deux enfants sont gazés à leur arrivée à Auschwitz, le plus jeune étant âgé de 4 ans. Deux adolescents et Miron Zlatin sont déportés par le convoi 73 à destination de Tallinn où ils disparaissent. Sabine est absente, sentant venir le danger, elle est allée à Montpellier pour demander à l’Abbé Prévost de l’aider à mieux cacher les enfants.
Après la rafle, Sabine Zlatin rejoint Paris où elle s’engage dans la Résistance. Paris.
À la Libération, elle est nommée hôtelière-chef du Centre Lutétia, en charge d’organiser l’accueil des déportés à leur retour des camps. En juillet 1945, plus d’un an après la rafle, Sabine Zlatin apprend que son mari ne reviendra pas de déportation. Après la fermeture du Lutétia, en septembre 1945, elle s’installe définitivement à Paris ou elle tient une Librairie.
Elle se bat pour que la mémoire de d’Izieu ne soit pas oubliée. Elle est revenue sur les lieux aux lendemains du drame et a pu ramasser tous les documents ( dessins d’enfants, photos) qu’elle confiera aux Archives nationales. Et le 7 avril 1946 une plaque est dévoilée sur la maison et un monument érigé à Brégnier-Cordon sur la route qui mène à Izieu.
Elle est la première présidente fondatrice du mémorial d’Izieu . Le musée est inauguré le 24 avril 1994 par F Mitterrand


Elle s’adonne à la peinture, signant ses toiles du nom de Yanka, le surnom que lui avait donné son père.
Sabine Zlatin est enterrée au cimetière du Montparnasse.
Pour aller plus loin : quelques indications bibbliographiques
Serge Klarsfeld, Les Enfants d’Izieu, une tragédie juive, Association des Fils et Filles des déportés juifs de France, 1984.
Rolande Causse, Les Enfants d’Izieu, Paris, Seuil, rééd. 1994 (livre pour enfants). Y compris un témoignage de Sabine Zlatin.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, article Yanka Zlatin, P
• La Dame d’Izieu (2007) téléfilm d’Alain Wermus, avec Véronique Genest dans le rôle de Sabine Zlatin


Portfolio

JPEG - 66.1 ko JPEG - 40.2 ko JPEG - 1 Mo