Critique du Film sur Varian Fry sur NETFLIX par Alain Paire

mardi 11 avril 2023
par  Renée Dray-Bensousan


 La Marseillaise / mardi 11 avril 2023
ACTUALITÉ LOCALE

Netflix présente depuis vendredi « Transatlantique », une série consacrée à Varian Fry. Dans les commentaires positifs et peu nuancés de la presse à propos de cet opus, le fait que la mission Varian Fry soit à présent connue du grand public l’emporte sur les autres considérations.
Devant l’écran, malgré quelques réussites – la nuit dans le quartier de la gare Saint-Charles, le bleu de la mer sur le Chemin des Pierres Plates, une bastide pour remplacer Air Bel – on déchante assez vite : les années 1940 sont graves et sombres, on ne traite pas des moments d’angoisse et de solidarité comme un épisode de « Plus belle la vie ». Lunettes cerclées, costumes impeccables, l’acteur Cory Michael Smith campe le personnage de Fry. La chose cruciale, ce sont les sauvetages qu’il entreprend. « Transatlantique » fait fréquemment diversion à propos de sa vieprivée : Varian Fry était bisexuel. Dans le rôle de Mary Jane Gold – la mécène américaine qui aidait financièrement Fry – Gillian Jacobs occupe une place exorbitante.
On mange, boit et fume abondamment, alors qu’on est en période de restriction : c’est du romanphoto sans légèreté, on est loin du sillon tracé par René Allio dans son adaptation du « Transit » d’Anna Seghers. Pour transposer en bas de la Canebière les espaces anxiogènes des cafés du Mont-Ventoux et du Brûleur de loups, Anna Winger, la réalisatrice s’est emparée de la terrasse ensoleillée et riante du café de la Place de l’Archevêché d’Aix-en-Provence. Les gendarmes du régime de Vichy sont souvent dignes d’un film de Louis de Funès, le commissaire lâche et corrompu joué par Gregory Montel est un fantôche.
Alain .Paire.

En 1940, les États-Unis sont attentistes, ils n’ont pas l’intention de sauver l’Europe et les Droits de l’Homme. En revanche, pour augmenter leur puissance et accroître leur rayonnement, la Recherche et l’Université américaines souhaitent accueillir des créateurs, des intellectuels, des personnalités du monde scientifique.Varian Fry est un jeune homme de 32 ans envoyé en France pour nouer des contacts, esquisser des solutions de départ : il doit assumer « la neutralité » du consulat américain de Marseille qui ajourne ou bien refuse sesinitiatives. Quand il arrive en gare Saint-Charles le 14 août 1940, Fry est porteur d’une liste de 200 personnalités menacées par l’infâme article 19 de l’armistice signé par Pétain. Ses moyens sont dérisoires, 3 000 dollars sont cachés dans une doublure de ses vêtements.
Quelques décennies plus tard, l’essayiste David Rousset résumera à sa manière la situation : « Auschwitz et Marseille sont alors les seules portes ouvertes de l’Europe ». Varian Fry s’affranchit, rentre dans une semi-clandestinité, trouve des ressources humaines et financières, fait preuve de pragmatisme et de rapidité : les réfugiés qui le sollicitent sont extrêmement nombreux. Ce ne sont pas Picasso, Gide ou Matisse qui figuraient sur sa première liste qu’il faut entraînervers New York : ils refuseront son aide, préfèrent rester en France. Fry transgresse les consignes, oeuvre pour sauver des opposants politiques venus d’Allemagne, d’Autriche ou d’Italie, des apatrides ou des réfugiés souvent juifs, des artistes moins réputés que Max Ernst, les couples d’André Breton et Victor Serge, des scientifiques dont la situation est extrêmement périlleuse puisqu’ils n’ont pas la célébrité de Matisse ou de Picasso.
Provisoirement hébergé boulevard d’Athènes dans deux chambres de l’Hôtel Splendide aujourd’hui devenu Crdp, le Centre américain de secours (CAS) aura deux domiciles : entre septembre et décembre 1940, le premier étage d’un bureau au 60 de la rue Grignan, ensuite un niveau du 18 boulevard Garibaldi. Dans l’exercice de sa mission, Fry reste candide et flegmatique, attentionné envers autrui.