LES RAFLES A MARSEILLE EN 1943

vendredi 20 mars 2020
par  Renée Dray-Bensousan

Les rafles de janvier 1943


La rafle du centre-ville : entre le 22 janvier et le 29 janvier


Environ 1900 transferts dont 1600 directement pour Compiègne.
À la suite des rafles des "Juifs étrangers", de nouveau une accalmie mais Marseille s’est vidée. Pour l’historien de Marseille, les plus connues sont celles de janvier 43. Pourquoi ?
Parce qu’elles ont touché un grand nombre de gens.
Parce qu’elles ont été accompagnées de la destruction de tout un quartier et qu’elles ont frappé après coup l’imaginaire de nos concitoyens.
Enfin parce qu’elles ont donné lieu à des archives importantes puisque les auteurs ou les complices ont été traduits devant les hautes cours de justices instaurées à la libération : cas des procès de Rodellec du Porzic et de son chef de cabinet Stéphane Auzaneau, cas de Barraud, cas de Bousquet, de Joseph Rivalland détenu à Fresnes, du préfet Lemoine à Paris.
La préparation de cette action a été secrète et bien menée.
D’importantes forces ont été concentrées à Marseille (8000 hommes en tenue, gendarmes, gardes mobiles, GMR ou gardes mobiles de réserves) et quelques milliers d’inspecteurs venus de la zone sud)
Le 13 et le 14 janvier une réunion a rassemblé à la villa « Ben Quilhado », puis à la Mairie, l’état-major allemand - Karl Oberg, Hagen, Griese, des personnalités présentées comme venant de Berlin - et les autorités françaises, Bousquet, l’intendant de police Rodellec du Porzic, le préfet régional Lemoine, le préfet délégué à la ville de Marseille, Barraud.
Après maintes tractations les Français obtiennent que soient séparées les opérations de Police des opérations d’évacuation des vieux quartiers. Les opérations de police étant sous le contrôle direct de la police française, l’évacuation des vieux quartiers prise en mains par les Allemands avec l’aide de la police.
Les opérations de police c’est à dire les rafles des Juifs français ou étranger s’étirent dans la semaine du 22 au 29 janvier : rafles la nuit du vendredi 22 au samedi 23 et du samedi au dimanche 24 ; arrestation à domicile par la police française, arrestations dans la rue, les cafés, les cinémas, les trains etc. Les gens arrêtés sont envoyés aux Baumettes ou à l’Evêché et de là vers la gare d’Arenc vers Compiègne .


L’évacuation des vieux quartiers commence le dimanche 24 à 6 heures du matin.
Les évacués dont certains ont été arrachés à leur domicile sont envoyés dans un camp militaire a peine aménagé pour cela à Fréjus dont un convoi est de retour le 28 janvier. On laisse la possibilité aux sinistrés d’aller chercher quelques effets dans leurs domiciles dont beaucoup ont été déjà pillés. Le dynamitage par les Allemands, maison par maison se déroule début février.
Pourquoi ces opérations dont l’ordre aurait été donné par Hitler lui-même selon Karl Oberg dans sa prison ? En effet quelques officiers ont été envoyés en mission à Marseille par Hitler. On peut avancer trois types de raisons en dehors de la volonté nazie d’exterminer les Juifs et de la logique de la politique de collaboration.
-Raisons politiques : Les Allemands qui n’avaient qu’une confiance limitée dans les compétences vichystes, ont voulu régler le problème de Marseille, Marseille la pègre, Marseille la Résistance, Marseille la rebelle. Et les prétextes qu’ils invoquent sont biens des attentats contre les forces occupantes (attentat du 3 janvier par exemple).
-Raisons stratégiques et militaires : la guerre en Méditerranée devient centrale et Marseille un nœud stratégique surtout depuis le débarquement des forces alliées en Afrique du Nord.
-Raisons économiques : ces dernières encore peu claires laisseraient entendre que la destruction des vieux quartiers coïncide avec une opération de spéculation foncière.
En l’espace de quinze jours, Marseille a vécu un véritable séisme : des dizaines de milliers de contrôles dans une ville quadrillée par les forces de police, des milliers d’habitants (20 000 dont 12 000 envoyés au camp de Fréjus) chassés de leurs logements, des milliers d’arrestations. Le bilan établi par le préfet régional le 30 janvier 1943 fait état de 400 000 contrôles d’identité, de 5956 personnes appréhendées, de 3977 libérées après vérification d’identité, 30 écrouées, 13 dirigées vers le centre des étrangers, 294 internés, 1642 envoyées à Compiègne, de 600 « suspects ou dangereux retenus par les commissions de criblage de Fréjus, de 800 bars provisoirement fermés
Serge Klarsfeld retient que la grande rafle de janvier 1943 a entraîné la déportation de 780 personnes dont 25 enfants âgés de 10 à 17 ans
S’ajoute la destruction des quartiers du Vieux port.
A partir du camp de Royallieu /Compiègne, le 10 mars 1943, 786 Juifs arrêtés à Marseille dont 570 de nationalité française sont acheminés Via Drancy vers les camps d’extermination de Sobibor (Convoi 52 et 53 des 23 et 25 mars 1943 très peu de survivants : aucun pour le convoi du 23 mars et 5 pour le convoi du 25 mars cf. le Mémorial de Serge Klarsfeld)
Un contingent de déportés « est mis à la disposition de l’Organisation Todt et interné dans les Iles anglo-normandes où se construisent des fortifications. D’autres prirent le chemin d’Oranienburg-Sachenhausen où ils arrivent le 30 avril.
Dans ce cas encore il n’est pas possible de nier la responsabilité des autorités françaises.