Paul Netter, Un Grand Rabbin dans la Grande Guerre, Abraham Bloch, mort pour la France, symbole de l’Union sacrée

mardi 31 décembre 2019

Paul Netter, Un Grand Rabbin dans la Grande Guerre, Abraham Bloch, mort pour la France, symbole de l’Union sacrée, éditions Italiques, 2013.

Paul Netter est l’arrière petit-fils du rabbin.

Le 29 août 1914, au col d’Anozel, sur le front des Vosges, le Grand Rabbin Abraham Bloch, (1859-1914), aumônier israélite et infirmier-brancardier volontaire, est tué par un éclat d’obus en portant un crucifix à un soldat catholique mourant qui l’a pris pour un prêtre. Cet acte héroïque et cette mort exemplaire vont faire de lui un symbole de l’Union Sacrée de tous les Français face à la menace allemande.
La nouvelle de cet acte de générosité extrême se répandra très vite et sera entretenue par des générations de Juifs et de Chrétiens, (on se souvient que le Grand Rabbin Jacob Kaplan, qui fit la Première Guerre mondiale, en parlait avec vénération), jusques et y compris par des antidreyfusards comme Maurice Barrès, excepté pendant la Deuxième Guerre mondiale où, déjà en août 1940, un détachement de la Wehrmacht mit bas la stèle du Grand Rabbin à l’endroit même où il avait trouvé la mort.
Le grand mérite de ce livre, écrit par l’arrière petit-fils du Grand Rabbin, réside dans l’abondance de ses sources (souvent iconographiques), véritable biographie de référence qui retrace minutieusement son parcours à partir de pièces d’archives inédites : lettres personnelles, carnet de guerre, articles de journaux, poèmes, extraits de livres, cartes postales... La préface de Philippe Landau, conservateur des Archives des consistoires israélites, confirme, s’il en était besoin, la qualité documentaire de ce travail.
On suit ainsi pas à pas son itinéraire, depuis son premier poste à Remiremont et ses environs (1884-1897), en passant par Alger comme Grand Rabbin (1897-1908), puis enfin à Lyon (1908-1914).
L’auteur nous livre une multitude d’informations, à partir des archives du Consistoire Israélite de France, notamment lors de sa période algéroise : nous pouvons ainsi apprendre son courage et sa détermination face aux émeutes antisémites (on mesure en l’occurrence l’état de détresse de la communauté juive d’Alger face au déchaînement de la population), puis suivre sa cérémonie d’investiture à Lyon avant qu’il ne se porte candidat au poste d’aumônier militaire, à 53 ans, par conviction républicaine et amour de la patrie. Ses lettres envoyées à sa femme, depuis le front, dans les semaines avant sa mort, renforcent sa part d’humanité qui n’était jusque là célébrée qu’à travers son acte héroïque ultime.
Un ouvrage précieux sur une page d’histoire que l’on croyait connaître mais qui révèle ici, dans ses moindres détails, les dimensions pastorales d’un Grand Rabbin profondément attachant.